Cahier d’acteur au débat public 
sur le projet de Réseau Express Grand Lille (REGL)

Vers un réseau régional moderne

L’association régionale Droit au vélo soutient très fortement le développement des transports en commun car ils sont complémentaires au vélo ou à la marche. Seul un très fort développement des transports en commun et des aménagements cyclables dans la région permettront aux habitants de ne plus prendre systématiquement leur voiture. C’est ce qui fait la réussite du modèle adopté depuis de longues années par les Pays-Bas.

Néanmoins, à la lecture du projet « Réseau Express Grand Lille », l’association Droit au vélo exprime certaines craintes. En effet, le projet présenté se révèle très coûteux. Nous craignons en conséquence que ce projet, concentré sur une seule ligne de train entre Hénin-Beaumont et Lille, n’accapare les budgets régionaux pour de nombreuses années, au détriment du développement des aménagements cyclables et des réseaux de transports en commun (TER et Bus) sur le reste de la région. Par ailleurs la réalisation de gares ex-nihilo, en dehors des pôles urbains, comme celle imaginée à Sainte-Henriette le long de l’A1, nous apparaît contradictoire avec la volonté de développer les modes actifs et les transports en commun. Ce type de gare n’étant accessible qu’en voiture, favorisera encore un peu plus l’étalement urbain et risquera de reporter plus au sud les phénomènes d’engorgement de l’A1.

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Droit au vélo demande donc une étude poussée de la faisabilité et du coût d’une forte amélioration de l’existant sur l’ensemble de la région. Une optimisation signi cative de nos réseaux de circulation et de transport semble encore possible. Cette étude ne devra donc pas porter seulement sur le train mais sur l’ensemble des transports alternatifs à la voiture individuelle.

 
1 Un projet coûteux qui monopolisera l’ensemble des budgets transports pour longtemps.

50 % des déplacements motorisés font moins de 3 km et 80% font moins de 5 km. Partant de ce constat, il est aisé de comprendre que 80 % des déplacements locaux en voiture dans nos villes peuvent facilement faire l’objet d’un report modal vers le vélo ou la marche.

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Quand la distance devient plus importante, vélo/marche et transports en commun deviennent complémentaires. L’association Droit au vélo est donc pleinement favorable au développement des transports en commun.

Néanmoins, un projet estimé à 2,1 milliards d’euros pour une ligne de train, nous semble excessif, d’autant plus qu’au vu des sous-évaluations budgétaires couramment constatées dans le cadre de projets de telle ampleur une augmentation d’au moins 30 % nous semble inévitable.

Nous craignons que les fonds dégagés pour cette ligne n’accaparent pour de longues années les fonds transports dans la région. Il est pourtant nécessaire que l’ensemble des transports en commun de la région répondent aux besoins des usagers pour faciliter le report modal de la voiture vers les transports actifs et les transports en commun (TER et bus).

Dans le cas de non-investissement sur les autres lignes de la région, le risque est la désaffection pour les transports en commun, et par extension pour le vélo et la marche au pro t de la voiture. Nous aboutirions par conséquent à un résultat opposé à celui qui était attendu.

Enfin, le projet ne décongestionnera pas l’autoroute A1. En effet, un premier report modal de la voiture vers le train produira un appel d’air. D’autres véhicules prendront le relais, pour aboutir rapidement à une nouvelle saturation de la route, comme à chaque fois qu’une nouvelle capacité routière est créée.

 
2 Privilégier le confort dans les transports en commun

Selon un sondage réalisé dans le cadre des assises du ferroviaire (2011), les usagers du train souhaitent avant tout une meilleure information et une amélioration du service rendu. Pour donner envie aux Français de prendre le train, il faudrait assurer :
 une communication exemplaire ;
 des amplitudes horaires élargies et des fréquences plus nombreuses sur certaines lignes structurantes comme par exemple Lille – Dunkerque (le dernier train au départ de Dunkerque à 20h08 ne permet pas en toutes circonstances de se passer de la voiture) ;
 du « confort » dans les trains (places assises en nombre suffisant, Wi-fi, prises de courant...) ;
 un cheminement facile à pied et à vélo vers les gares (qui doivent donc rester en centre-ville) ;
 des arrêts à proximité des zones d’activités ;
 un réseau moderne pour éviter les retards et annulations de trains.

Ceci demande des investissements constants pour maintenir et
développer le niveau de service du réseau TER actuel. Notre crainte est une détérioration de celui-ci à cause du report d’investissement sur le REGL comme cela peut être constaté au niveau national entre le réseau TGV et celui des Intercités.

Il convient donc d’utiliser les financements dans le cadre de l’amélioration globale du service rendu plutôt que sur une seule ligne exemplaire

 
3 Une intermodalité renforcée : l’intégration des systèmes

Pour que les habitants de la région, qui se rendent vers la métropole ou à tout autre point de la région, délaissent la voiture au pro t du trio marche, vélo, train, il faut dans un premier temps pouvoir se rendre à la gare la plus proche de son domicile à vélo ou à pied de façon aisée, rapide et sécurisée. En ce qui concerne le vélo, il faut donc créer des itinéraires cyclables qui répondent à ces trois critères et qui convergent vers les gares. Un véritable projet intermodal devra porter cette ambition.

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D’autre part, la présence de passages à niveau est une des causes majeures de retard des trains. Or, un retard ou une annulation ponctuels provoquent de fait un report vers la voiture de façon durable.

Il est alors très difficile de faire revenir l’usager vers les modes de transport actifs ou vers les transports en commun. Le projet intégré devra donc éliminer les passages à niveau dans l’ensemble de la région. Néanmoins, pour ne pas pénaliser la marche et le vélo, des aménagements de passages cyclables (passerelles ou souterrains) doivent être programmés.

Il sera aussi nécessaire de créer des aménagements cyclables pour traiter les coupures existantes tout au long de l’A1 ainsi que pour les traversées ferroviaires dont les passages à niveau ont déjà été supprimés dans les années 50-70 et où rien n’a été prévu pour le vélo (ex : à Hénin-Beaumont et à Sin le Noble). Tout cela incitera les usagers à se rendre en gare à vélo ou à pied.

La gare Lille-Flandres arrive à saturation. Elle est en effet un terminus pour de nombreuses lignes TER de la région. L’association Droit au vélo émet deux possibilités :
 réaliser des arrêts annexes, en lien direct avec le métro (Caulier, porte des Postes...) et en conséquence des lignes qui passent par Lille sans passer par Lille-Flandres.
 réaliser une gare sous la gare Lille- Flandres pour éviter les arrêts prolongés et donc augmenter la fréquence des trains. Nous sommes néanmoins conscients que ce projet serait très coûteux.

Enfin, quel que soit le projet retenu, il ne fonctionnera pas si aucune contrainte n’est imposée aux automobilistes. En effet, les meilleurs aménagements cyclables du monde, ou les meilleures lignes de trains, ne seront pas utilisés si la voiture peut circuler et se stationner très facilement. La contrainte sur la voiture pourra prendre plusieurs formes comme l’instauration d’un péage sur l’ensemble des autoroutes de la région et, pourquoi pas, l’instauration d’un péage urbain pour entrer sur la métropole lilloise. Les fonds récoltés pourront financer une partie des transports en commun et la qualité de vie des Nordistes ne pourra s’en trouver qu’améliorée.

 
4 Une communication renforcée

Si un projet « intégré » comme nous le proposons est retenu, et même s’il produit des améliorations dans l’ensemble de la région, pour gagner en lisibilité, ce projet devra être considéré comme un seul et même projet visant à l’amélioration de l’offre existante. Il ne doit surtout pas être perçu comme parcellaire pour le grand public.

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D’autre part, le grand public a souvent une idée faussée des modes de transport autres que la voiture : temps de parcours à pied ou à vélo pour aller d’un point à un autre, fréquence et coût des abonnements de travail, coût réel de l’usage de la voiture (pas seulement le carburant mais tous les coûts induits par les assurances, la décote, l’entretien...).Pour que le projet porte ses fruits, une communication renforcée vers l’ensemble des habitants de la région sera nécessaire.

Yannick Paillard
Administrateur de Droit au vélo
Vice-président