La Voix du Nord - Lille : la pétition qui veut sortir de la nasse l’abominable rue du Faubourg d’Arras Voix du Nord - dimanche 15 mai 2016

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Lille : la pétition qui veut sortir de la nasse l’abominable rue du Faubourg-d’Arras

Publié le 15/05/2016

PAR SÉBASTIEN BERGÈS

C’est un monstre, un chancre, un trou noir. Mais dans tous les cas, ce n’est pas une rue, quoi qu’en dise son nom. L’autoroute urbaine du Faubourg-d’Arras, entre Lille et Faches-Thumesnil, est la terreur de tout ce qui ne va pas sur quatre roues. Tout le monde le sait, rien ne bouge. Une pétition tente de bousculer le statu quo.
La RD 549, sa chaussée anarchique et anachronique, sa facture au millésime furieusement pompidolien, se situent quelque part entre les 8 e et 9 e cercles de l’enfer cycliste.

Accueil de la mairie de Faches-Thumesnil. Clément et Camille tendent l’enveloppe. À l’intérieur, une demande de rendez-vous adressée à l’édile, Nicolas Lebas, une pétition initiée par les collectifs Alternatiba, Action non violente et Vélorution... et beaucoup d’espoir. Plus de 1 000 personnes ont signé en quinze jours cet appel à des « aménagements cyclables rue du Faubourg-d’Arras ». Un axe reliant la porte d’Arras de Lille à Wattignies et matérialisant la frontière entre Lille-Sud et Faches-Thumesnil. Une « autoroute urbaine », « un point noir toujours aussi dangereux pour les cyclistes ».

Héroïsme ou inconscience

Leur missive délivrée, les Lillois croisent les doigts. « On est dans une métropole ultrapolluée, engorgée, les problématiques environnementales sont criantes, décrit Camille. C’est pas dans dix ans qu’il faut agir, c’est tout de suite. D’autant qu’en plus c’est dangereux ! »

Héroïsme ou inconscience, le 29 avril, la Vélorution Lille passait par la rue du Faubourg-d’Arras. Apostrophé, insulté par des automobilistes, le cortège de bicyclettes en ressortait avec un mélange de colère et d’épouvante. « À 160, on a fait le constat que c’était atroce », explique Camille.

Seul, ça marche aussi. Quelques coups de pédale suffisent pour prendre la mesure du problème : énorme. Au moins autant que cette quatre voies fichée dans la ville comme un pieu, chaussée XXL, hégémonie automobile, voies cyclables ou bus aux abonnés absents. Dérangeante sensation d’être un hérisson égaré sur un circuit de Formule 1. La rue du Faubourg-d’Arras, alias RD 549, est, en 2016, une honte.

Jusqu’à l’absurde

Et une honte connue de tous. Des années que l’association Droit au vélo (ADAV) tire la sonnette d’alarme. Mais l’impasse politique perdure, symbolisée jusqu’à l’absurde par le défaut total de marquage sur la chaussée.

« On nous oppose l’argument de la congestion automobile, regrette Chloé Grépinet, chargée de concertation à l’ADAV. Mais quand on se fixe l’objectif de 10 % de déplacements à vélo en 2020 (dans le Plan de déplacements urbains adopté par la métropole lilloise), on favorise des modes alternatifs à la voiture, on ne laisse pas une pénétrante aux allures d’autoroute entre Wattignies, Faches et Lille. » « C’est un cercle vertueux à enclencher », enjoint en écho Camille. Mais en matière de cercle, le dossier a surtout montré une vilaine propension à tourner en rond.
Entre les villes, l’impasse politique

« Aucun aménagement cyclable à court terme. » Sollicité, le conseil départemental ferme le ban. Et se justifie : « Aucun consensus n’a été trouvé entre les maires. »

Une façon polie de dire que les positions de Lille, d’un côté, et de Wattignies et Faches-Thumesnil, de l’autre, sont inconciliables. « C’est un anachronisme impensable, en contradiction avec le PDU », pose le Lillois Jacques Richir, partisan de couloirs vélo-bus ou, a minima, de voies cyclables. « Ne créons pas une thrombose automobile », rétorque le Fachois Jean-Louis Haccart.

« Une rocade routière »

Richir, adjoint au maire en charge de la voirie, appelle à « apaiser ce qui fonctionne aujourd’hui comme une rocade routière ». Son voisin, adjoint à l’urbanisme, souligne qu’il est favorable au vélo mais… pas là. « Il y a 30 000 véhicules par jour sur cet axe, utilisé par le bassin sud pour rallier Lille et surtout le périphérique. Si on divise le nombre de voies, on passera de deux à quatre kilomètres de bouchons chaque jour. »

Cet engorgement, Jacques Richir le constate aussi, mais renverse l’analyse : « Le gabarit de la rue encourage ce mésusage. Tant que l’environnement sera hostile pour le bus et le vélo, ils ne seront pas utilisés. »

Jean-Louis Haccart préfère espérer un contournement sud-est de Lille : « Sans ça, si on restreint la circulation route d’Arras, les études montrent que 12 000 voitures vont se déverser dans Faches, qui ne peut les absorber. »

Richir : « J’espère que la sagesse l’emportera. » Haccart : « Les oukases n’y changeront rien. » On voit mal s’achever un statu quo qui ne fait pourtant que des perdants : habitants cernés, automobilistes embouteillés, bus retardés, cyclistes menacés.