Le vélo désuet à Lille ? Enquête Déplacements de LMCU

LE VÉLO désuet à Lille ?

C’est du moins l’expression que l’on trouve sous la plume de Sébastien Noé dans le gratuit Lille Plus du mardi 14 novembre 2006, dans son compte-rendu sur l’annonce officielle faite la veille des premiers résultats de l’enquête ménage-déplacements effectuée en 2006 sur le territoire de la LMCU (Communauté Urbaine de Lille) . Celui-ci écrit en effet que « le vélo semble tomber en désuétude ».
Le bras(quet) de fer entre l’ADAV et le quotidien La Voix du Nord au sujet de la création de nouveaux contresens cyclables au centre de Lille continuerait-il au travers du quotidien gratuit de La Voix du Nord qu’est Lille Plus même si l’équipe journalistique n’est pas la même ?

Verre à moitié vide ou à moitié plein ?

Certes, au niveau de la Communauté Urbaine de Lille, cette enquête indique que le vélo n’a pas progressé par rapport à 1998. Sa part modale s’est stabilisée à 2% de l’ensemble des déplacements.
On peut cependant constater d’abord que l’usage du vélo a enrayé le déclin que l’on pouvait observer lors des précédentes enquêtes (celles-ci sont faites tous les 11 ans depuis 1965).
De plus, on ne peut estimer ringard le fait que sur l’ensemble de la métropole lilloise, ce sont presque 65 000 vélos qui circulent chaque jour, soit l’ensemble de la population de Villeneuve d’Ascq (65 000 habitants) effectuant un déplacement à bicyclette chaque jour. De plus, on peut considérer que cela fait quand même 65 000 voitures en circulation en moins chaque jour, ce qui est plus qu’appréciable quand on connaît la saturation du réseau routier métropolitain. À l’heure où, réchauffement climatique oblige, la chasse au CO2 est ouverte, cela fait pas moins de 20 tonnes de gaz carbonique qui ne sont pas rejetées chaque jour dans l’atmosphère (1).
Enfin, si l’on consulte le site de LMCU, on y découvre une approche un peu plus nuancée et complexe que ce que nous laisse entendre ce journaliste. Le vélo est ainsi en forte hausse sur les communes de Bondues (10 700 habitants), ville dont le maire, Paul Astier est le vice-président de LMCU en charge du Plan de Déplacements Urbains (PDU) , Lille (166 300 habitants), Roncq (12 700 habitants), et Halluin (19 000 habitants), soit sur 4 communes représentant presque 20% de la population métropolitaine.
À Lille, le vélo enregistre plus 39% entre 1998 et 2006, même si sa part reste encore modeste (0,09 déplacement, soit 2.3% des déplacements) ; Lille se situe dorénavant sur le podium des villes cyclables de LMCU, juste après le secteur ouest de LMCU (0,12 déplacement et 3,1% des déplacements), le secteur de Comines - Quesnoy (0,11 déplacement, soit 2,9% des déplacements), et à égalité avec la banlieue de Tourcoing (0,09 déplacement, soit 2,1% des déplacements).
L’évolution est encore plus remarquable si on l’observe sur 20 ans. En effet, en 1987 (l’ADAV avait 5 ans) , Lille était la lanterne rouge de la métropole lilloise avec 0,05 déplacement à vélo, soit 1,5 % de part modale. Alors qu’entre 1987 et 1998, le vélo s’est contenté de faire de la résistance, il a fini par redécoller au cours des huit dernières années : en 20 ans, le nombre de déplacements à vélo a presque doublé (+80%), passant de 0,05 déplacement à 0,09 déplacement.

Cinq enseignements

 Cette progression indique, dans le cas des communes de Bondues (qui appartient au triangle d’or BMW) et Lille l’intérêt croissant des classes moyennes plus ou moins aisées, (certains diraient plus ou moins friquées) pour le vélo.
 La politique d’aménagements cyclables de la ville de Lille porte ses fruits.
 Cette progression démontre le rôle d’une action de cyclistes au quotidiens telle que l’ADAV dans son travail avec les élus et les techniciens de la commune de Lille.
 Pas de cyclistes sans aménagements cyclables. Pour me rendre par moments à vélo à Lille (NDLR : l’auteur est un cycliste douaisien), on peut facilement observer, en caricaturant à peine, que les hypercentres de Lille et Villeneuve d’Ascq, entre autres, constituent des paradis cyclistes, en termes d’aménagements cyclables, isolés au sein d’un désert. On est encore loin d’un réseau cyclable continu, sécurisé et sans détours inutiles.
 Pas de déplacements durables sans politique concertée et sérieuse de lutte drastique contre l’étalement urbain. Il est ainsi significatif d’apprendre que les secteurs d’Armentières, de Quesnoy-sur-Deûle et Comines connaissent une hausse de 10% en 8 ans des déplacements automobiles. À titre indicatif, on retrouve le même type d’évolution en Île-de-France avec une progression du vélo dans Paris intra-muros et une chute de la pratique du vélo qui se poursuit dans les autres communes de cette région.

Même si on aimerait connaître de façon plus fine les résultats de cette enquête ménages, les premiers enseignements de celle-ci indiquent que les efforts, en matière de politique cyclable, sont loin d’être vains mais doivent au contraire être accentués.

(1) On a pris comme base de calcul un déplacement moyen de 2 km à vélo et une émission sous-estimée de 150 g de CO2 par km en voiture.


Les résultats de l’enquête.
Le journal d’un cycliste douaisien.