Le nouveau plan de circulation de Lille : mieux que des aménagements cyclables, une forte remise en cause de la voiture Article publié dans l’Heurovélo n°82 - septembre 2016

Mise à sens unique de la rue Faidherbe et intégration d'un double-sens cyclableCertains l’auront remarqué en cette fin d’été, la circulation en ville a été largement facilitée pour les cyclistes, sans pour autant assister à l’émergence massive de nouveaux aménagements cyclables. La Ville de Lille a décidé de frapper fort, même si nous aurions pu espérer une refonte complète du plan de circulation sur un périmètre élargi à toute la ville.

Comme le mentionne la Ville, seuls 2% des rues ont été touchés, mais pas des moindres puisqu’il s’agit bien souvent d’axes structurants, c’est à dire permettant de relier les quartiers entre eux ou de traverser la ville de manière quasiment linéaire. Pour ne citer que quelques-uns d’entre eux, voici les principaux changements qui devraient – et on le constate déjà par la réduction du nombre de voitures et l’augmentation du nombre de vélos – donner un nouveau visage à la capitale des Flandres :

  • Axe boulevards de la Liberté/Louis XIV. Cet itinéraire emblématique qui permettait de relier la plupart des quartiers du centre dans un sens et sur deux voies a bénéficié d’une mise à double-sens afin de rassembler une grande partie du trafic de transit et éviter le recours à des rues plus petites pour traverser la ville. Conservation des couloirs bus ouverts aux vélos dans les deux sens.
  • Axe rue Nationale/Grand Place/rue Faidherbe. Mise à sens unique en « tête bêche », c’est-à-dire qu’ils se font face et ne permettent plus de relier les deux extrémités en une seule fois mais obligent à des manœuvres dans les rues perpendiculaires. Cette situation limitera la traversée, volontaire ou non, de la Grand Place, qui devient ainsi quasiment piétonne et bénéficie en tout cas dorénavant d’un réel statut de zone de rencontre. Instauration de double-sens cyclables systématique, et à notre demande marquage de bandes cyclables là où la place était suffisante.
  • Axe rue de Valmy/Avenue Kennedy. Il conserve son sens unique, mais là aussi, changement du sens unique sur un tronçon seulement, de façon à éviter sa traversée pour rejoindre le périphérique. Conservation des aménagements cyclables.
  • Axe Rue du Réduit/Rue des Déportés. Fermeture d’un accès à la rue du Réduit par la Porte de Paris, qui était une voie d’accès au périphérique. Le trafic est reporté sur le boulevard Louis XIV, qui devrait être fortement congestionné puisqu’il va supporter d’autres reports de trafic, avec pour effet sur le plus long terme d’une réduction du trafic automobile.
  • Axe Rue Jacquemars Giélée/rue Auguste Angellier. Mise en tête bêche d’un tronçon afin qu’il ne devienne pas une échappatoire du boulevard de la Liberté.
  • Dans le Vieux-Lille, plusieurs rues à sens unique voient leur sens modifié sur quelques tronçons de façon une fois encore à éviter d’y recourir pour traverser le quartier de façon linéaire.
  • Avenue Willy Brandt, fermeture de l’accès à la Place des Buisses, ce qui facilite la liaison piétonne et cycliste entre les deux gares principales.

Préparé en catimini depuis plus d’un an, le plan de circulation, appelé « Plan de déplacements lillois » dans la communication officielle*, a remis en cause la place encore trop prépondérante de la voiture de façon radicale. L’ADAV aurait souhaitée être concertée bien en amont du projet, de façon à pouvoir formuler des demandes déjà exprimées par courriers adressés au maire et à son adjoint aux déplacements, et restés à ce jour sans réponse. Ces demandes concernaient notamment toutes les rues importantes non équipées d’aménagement cyclable et qui ne le permettent pas dans leur configuration actuelle, mais sont partie intégrante du réseau structurant. Citons entre autres les rues d’Arras, d’Artois, de la Bassée, de Cambrai, du Faubourg des Postes, du Faubourg de Roubaix, des Postes … Une mesure simple et néanmoins très efficace serait, comme c’est dorénavant le cas pour la rue Faidherbe, dont la largeur de chaussée est comparable à celle des rues citées précédemment, de mettre ces rues à sens unique en « tête bêche » et de les équiper de double-sens cyclables en bandes. Ce dispositif permettrait à la fois de limiter l’accès à la voiture et favoriserait le recours au vélo sur l’ensemble de la commune en lui donnant un avantage supplémentaire en termes de perméabilité et de rapidité, afin de le rendre vraiment concurrentiel, notion qui va de pair avec toute ville cyclable.

Même si ce plan de circulation est très volontaire et va permettre de maintenir Lille en haut du palmarès des villes les plus cyclables de la région Hauts-de-France, nous espérons qu’il s’agit d’une première phase qui bénéficiera d’une extension rapide, avec notamment une action sur le stationnement payant pour réduire la place de la voiture au-delà du seul périmètre de l’hypercentre. Et en souhaitant que cette démarche fasse des émules dans les autres communes de la région.

* nous préférons la dénomination « Plan de circulation » à « Plan de déplacements », ce dernier visant à agir sur l’usage des différents modes de déplacement par de la sensibilisation principalement, un plan de circulation ayant vocation à agir sur la circulation, ce qui est notre cas ici.

Devant la fronde des opposants qui ont publié une pétition recueillant déjà plus de 10000 signatures, une pétition en faveur du plan est proposée par le collectif LilleBug.

Sébastien Torro-Tokodi
Chargé de concertation
@sebatokorodi